Délivrance de passeports : marche arrière sur les justificatifs d’état civil

Dans un décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques, le gouvernement prévoyait que  : « Le passeport électronique est délivré ou renouvelé sur production de la copie intégrale d’un des actes de l’état civil figurant sur une liste déterminée par arrêté du ministre de l’intérieur ».

L’arrêté en question du 31 mars 2006 exigeait du demandeur une copie intégrale de l’acte de naissance ou une copie intégrale d’un acte de mariage. Par contre le simple extrait d’acte de naissance jusqu’alors valable ne pouvait plus suffire à justifier de son identité dans le cadre d’une telle démarche.

Cette disposition a très vite posé de nombreux problèmes[1] à des Français nés outre-mer ou à l’étranger, dont les actes d’état civil (perdus ou détruits) ne pouvaient pas être fournis en copie intégrale par les service central d’Etat civil à Nantes.

Elle discriminera également les personnes ayant changé de sexe, la copie intégrale faisant état d’un tel changement et pas de leur état civil actuel.

Enfin les personnes adoptées avant la réforme de l’adoption du 11 juillet 1966 ont rencontré, au regard des règles d’état civil, d’importantes difficultés pour obtenir une copie intégrale de leur acte de naissance.  L’instruction générale d’état civil précise en effet en ce qui les concerne qu’il n’est pas possible de délivrer un tel acte si l’intéressé ne fait pas état de son adoption et de son nom d’origine. 
 
Au total ces derniers mois de nombreuses personnes ont peiné à renouveler leur passeport, quand d’autres ont pu découvrir à cette occasion qu’ils avaient été adoptés à une époque où une telle filiation ne se révélait pas nécessairement.

Pour ces raisons cet arrêté donnera lieu à un recours du Gisti et de Geneviève Koubi, professeure de droit. Si le Conseil d’Etat, dans sa décision du 5 mai 2008, valide certes l’arrêté il en reconnaît toutefois, comme l’avait fait le commissaire du gouvernement[2], le caractère attentatoire à la vie privée. Ainsi, à propos des « inconvénients » rencontrés par les adoptés, ils «ne sont pas disproportionnés par rapport à la nécessité pour l’administration (…)  de s’assurer que les pièces produites par le demandeur établissent son identité et sa nationalité ». En ce qui concerne les transsexuels, « l’atteinte à la vie privée résultant à l’occasion de l’instruction de la demande n’est pas disproportionnée part rapport au but recherché dès lors qu’elle est nécessaire pour vérifier l’identité de la personne et que l’information ainsi obtenu n’est portée qu’à la seule connaissance des agents assurant le traitement de la demande de passeport électronique »[3]. Enfin pour les personnes nées en Algérie, le commissaire du gouvernement précise que certes des actes sont manquants mais que les personnes peuvent les reconstitués « y compris au vu des témoignages, par le service central d’état civil (…) ou obtenir « un jugement supplétif, rendu par le tribunal de grande instance ».   

C’est certainement conscient de ces nombreuses réserves de la plus haute juridiction administrative et des difficultés pratiques rencontrées par nombre d’administrés que le gouvernement a discrètement modifié le décret de décembre 2005 par le décret du 30 avril 2008[4]. Aux termes de ce texte, complété par un arrêté du 26 mai 2008[5], la délivrance ou le renouvellement d’un passeport passe à nouveau par la production d’un extrait d’acte de naissance. En cas d’impossibilité prouvée de produire un tel document une copie intégrale de l’acte de mariage sera exigible.

Christophe Daadouch


[1] L’Humanité le 6 septembre 2007, La voix du Nord le 17 septembre 2007, Le Monde 27 septembre.

[2] Conclusions de Mme Claire Landais, séance du 17 mars 2008.

[4] D. n° 2008-426 : JO 4 mai 2008, p. 7446.

[5] A. 26 mai 2008 : JO 3 juin 2008, p. 9132.